Fête de Saint François : homélie du Frère Michael Anthony Perry ofm

« La croix nous appelle [nous] tous au mystère de la transformation. Sur la croix, aucun de nous n’est responsable, aucun de nous ne contrôle et aucun de nous ne peut comprendre, comme Jésus lui-même. Sur la croix, quelqu’un d’autre est responsable. Quelqu’un d’autre comprend. Quelqu’un d’autre est manifestement beaucoup plus patient que nous. (Frère Richard Rohr, The Wisdom Pattern, 2020, p. 47). 

Aujourd’hui nous célébrons la mémoire de la vie de quelqu’un qui a compris le sens profond de la croix, qui a accepté les conséquences d’être un disciple de Jésus Christ. Comme disait St. Paul dans sa lettre aux Galates : « pour moi, la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste ma seule fierté. Par elle, le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. » Et Saint Paul ajoute : L’important ce n’est pas le respect du rite, mais d’être “une nouvelle créature” (Galates 6 :15). 

Un être nouveau, voilà ce qui fait de nous notre foi en Jésus Christ, et pour Paul cette nouvelle naissance passe par la croix. Il aurait pu dire qu’elle passe par la résurrection du Christ, ou par le don du Saint Esprit. Eh bien non. Paul nous ramène à la croix, car elle est l’acte premier, mais aussi l’acte unique dans l’histoire de l’humanité : les humains préfèrent tuer leur Dieu plutôt que de se remettre en cause. La croix n’est pas une allégorie, un symbole. Elle a été vécue dans sa chair par le Christ. Par le don de sa vie sur la croix, tout est accompli, définitivement. Aucun humain ne peut rien y ajouter, et surtout pas par ses propres œuvres.

En venant s'interposer entre ce monde ancien et nous, c’est comme si, sur cette croix, c’est toute l’Humanité dans sa vanité qui était crucifiée. La croix renverse radicalement notre rapport à la religion, elle crucifie toutes nos œuvres, tous nos efforts pour nous élever. Au pied de la croix nous nous retrouvons nu, sans artifice derrière lequel nous cacher, sans aucun mérite à faire valoir, sans aucun pouvoir. Il nous reste ce don de Jésus sur la croix, que je ne peux que recevoir dans l’humilité et le repentir. Par ce don, nous nous trouvons dans un monde nouveau, avec un esprit nouveau, comme le dit le prophète Ézéchiel, là où il parle des ossements desséchés qui reprennent la vie (Ez. 37). 

La nouveauté de l’Évangile nous invite à vivre des nouvelles relations avec Dieu, avec ce qui nous entourent, avec toute la création et avec nous-mêmes. Et pourtant n’est-ce pas là où l’on peut rencontrer des gens qui n’en ont peut-être jamais entendu parler et qui, si nous nous taisons, ne pourront jamais entendre cette phrase : Le royaume de Dieu s’est approché de toi. Nous laisser porter par cette grâce, centre de l’Évangile auquel nous croyons. Toute notre vie se résume en cette simple formule : la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ.  

Entrez St. Francis. C'est quelqu'un qui, à travers de nombreuses perturbations et souffrances physiques, sociales et même psychologiques, a été amené devant le crucifix de Saint Damien. Il s'est trouvé face à face avec le Fils de Dieu crucifié, Jésus-Christ, qui était suspendu sur la croix, entouré de témoins, et même du chant du coq. Mais la rencontre avec le Christ crucifié l'a immédiatement conduit à une autre rencontre avec le Dieu crucifié, vécue à travers sa rencontre avec les lépreux d'Assise. Cependant, ce n'est pas François qui, le premier, a embrassé le Christ crucifié à San Damiano, et il n'a pas non plus été le premier à tendre la main au lépreux qu'il a rencontré sur le chemin solitaire à l'extérieur d';Assise. C'est le Christ crucifié, suspendu à la croix, le Christ crucifié vivant dans le lépreux qui a atteint François et l'a rapproché de l'amour et de la miséricorde de Dieu. C'est à partir de chacune de ces formes de mort que François a retrouvé le chemin de la vie, de la paix, de l'espoir, d'une humanité blessée mais rachetée, et d'une création fracturée et menacée mais qui attend avec ardent désir la révélation des fils [et filles] de Dieu" (Lettre de St. Paul au Romains 8:19). 

Pape François souligne l’actualité de notre cher frère François d’Assise pour le monde d’aujourd’hui : « Saint François était un mystique et un pèlerin qui vivait avec simplicité et dans une merveilleuse harmonie avec Dieu, avec les autres – surtout avec ses frères et les sœurs clarisses, avec la nature et avec lui-même. En lui, on voit jusqu’à quel point sont inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement pour la société et la paix intérieur » (Laudato Si 10). 

Mes chères sœurs Clarisses suivant l'inspiration du Christ, de saint François, de sainte Claire et de sainte Colette, mes chers frères et sœurs, disciples et missionnaires, ouvrons nos cœurs à la même expérience d'amour et de miséricorde que François d'Assise a vécue par l'étreinte du Christ crucifié - sur la croix mais aussi crucifié dans l'humanité souffrante et dans l'univers créé. Permettons l'étreinte de Dieu crucifié dans l'humanité, crucifié à cause de la guerre et des conflits - en Ukraine, au Yémen, à Gaza, au Myanmar, au Nigeria, au Venezuela et ailleurs ; crucifié dans les souffrances de ceux qui ont été forcés de fuir leur maison et leur patrie, les migrants et les réfugiés ; crucifié à cause de l'inhumanité de l'humanité et du traitement destructeur de notre Mère la Terre. Et comme cela s'est produit pour François d'Assise, que cela se produise aussi dans nos vies : que nous nous ouvrions à l'étreinte de Dieu, à la miséricorde de Dieu, à l'amour de Dieu, à la grâce étonnante de Dieu, alors que nous commémorons la vie et la mort de notre père et frère séraphique François.

Bonne fête de St. François!